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Un sursis de 30 jours dans la guerre commerciale entre les États-Unis et le Canada : ce que les entreprises doivent envisager dès maintenant


7 février 2025Article de blogue

Le lundi 3 février 2025, juste avant la clôture des marchés, le président américain Donald Trump et le premier ministre canadien Justin Trudeau ont annoncé un sursis 30 jours l’application des tarifs douaniers sur les marchandises provenant respectivement du Canada et des États-Unis. Ce délai temporaire crée une opportunité pour les entreprises de revoir leurs mesures internes et de mettre en œuvre des changements clés et/ou des politiques qui les placeront sur une base plus solide dans le cas où les droits de douane entreraient en vigueur, et qu’elles n’auraient peut-être pas mis en œuvre lors des annonces rapides de ces derniers jours.

Contexte

Le 1er février 2025, le président Trump a signé un décret (le « décret ») appliquant un tarif douanier de 25 % à tous les produits originaires du Canada et importés aux États-Unis (à l’exception de l’« énergie et des ressources énergétiques  », qui seraient plutôt soumises à un tarif douanier de 10 %), à compter du 4 février 2025. La justification invoquée par le président Trump pour ce décret est d’empêcher la « migration illégale » et le flux de substances illicites, comme le fentanyl, du Canada vers les États-Unis.

Le Premier ministre Trudeau a répondu avec un plan de rétorsion en deux étapes, qui imposerait d’abord des tarifs de 25 % sur des importations américaines d’une valeur d’environ 30 milliards de dollars à partir du 4 février (« phase 1 »), et ensuite des tarifs supplémentaires sur 125 milliards de dollars de produits importés des États-Unis. (« phase 2 » et, avec la phase 1, les « mesures de rétorsion »)

Notre évaluation détaillée du décret et des mesures de rétorsion est présentée dans notre alerte client du 3 février intitulée « Canada Responds to U.S. Tariffs - What Businesses Need to Know » (Le Canada réagit aux droits de douane américains - ce que les entreprises doivent savoir).

À la suite de l’annonce des mesures de rétorsion par le Premier ministre Trudeau, la liste complète des produits de la phase 1 a été publiée. La liste comprend, entre autres, des produits alimentaires, des produits de beauté et d’hygiène, des vêtements, des produits manufacturés et des articles ménagers. La liste complète des marchandises soumises à la phase 1, ainsi que leurs codes du système harmonisé, peut être consultée sur le site web du ministère des Finances du Canada en cliquant ici

Les marchandises concernées par la phase 2 (décrite plus en détail ci-dessous) vont inclure des articles tels que les véhicules de tourisme, les produits en acier et en aluminium et certains fruits et légumes.

Parallèlement aux mesures de rétorsion du Canada, les provinces avaient commencé à annoncer des mesures supplémentaires à l’encontre des produits américains, telles que le retrait de l’alcool américain des entités de distribution de boissons alcoolisées. Une liste complète des mesures provinciales annoncées au 3 février 2025 figure dans notre alerte client ici.

Le gouvernement canadien a annoncé qu’une procédure de remise serait mise en place pour examiner les demandes d’allégement des mesures de rétorsion. Comme décrit plus en détail ci-dessous, le gouvernement examinera les demandes de remise lorsque 1) les marchandises utilisées comme intrants ne peuvent pas être obtenues sur le marché intérieur et 2) il existe des circonstances exceptionnelles qui risquent d’avoir un impact négatif sur l’économie canadienne.

30 jours de sursis suite à l’appel Trudeau-Trump

Le lundi 3 février 2025, en fin d’après-midi, à la suite d’un appel avec le Premier ministre Trudeau, le président Trump a accepté de reporter de 30 jours l’imposition des tarifs douaniers prévus par le décret en échange d’une série d’engagements du Canada concernant le contrôle des frontières et la circulation du fentanyl. En particulier, le Premier ministre Trudeau s’est engagé à nommer un « tsar du fentanyl » chargé de coordonner avec les États-Unis la lutte contre le trafic de stupéfiants et a accepté d’inscrire les cartels mexicains sur la liste des terroristes en vertu du droit canadien

Le Premier ministre Trudeau a également réitéré les plans du Canada pour aller de l’avant avec un plan de sécurité frontalière de 1,3 milliard de dollars annoncé en décembre 2024 (comme indiqué dans notre alerte client « La déclaration économique d’automne 2024 du Canada signale des changements importants à venir pour les sanctions économiques, l’esclavage moderne et les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent ») qui comprendrait une coordination accrue avec les fonctionnaires américains pour sévir contre les drogues et la migration.

Que signifie ce sursis pour les entreprises ?

La pause de 30 jours donne aux entreprises l’occasion d’évaluer leurs chaînes d’approvisionnement et d’envisager leurs réponses aux tarifs à venir. Les informations publiées ont permis de clarifier le champ d’application et les marchandises qui vont être visées par les mesures prises par les deux parties. À l’heure actuelle, les entreprises devraient prendre en compte les éléments suivants :

1. Procéder à un examen de la chaîne d’approvisionnement afin de déterminer l’ampleur des échanges transfrontaliers.

Le décret du président Trump a une large portée et appliquera un droit de douane de 25 % à tous les produits originaires du Canada, à l’exception de « l’énergie et des « ressources énergétiques » (qui seront soumises à un droit de douane de 10 %, comme indiqué ci-dessous).

Les entreprises doivent examiner l’étendue de leur exposition au commerce transfrontalier pour tous les biens non liés à l’énergie. Il s’agira notamment d’évaluer le nombre d’exportations directes de biens vers les États-Unis et d’importations directes de biens vers le Canada, et vice versa

Bien que les mesures annoncées à ce jour se concentrent sur les droits de douane ou les surtaxes sur les importations aux États-Unis et au Canada, l’examen de la chaîne d’approvisionnement doit également envisager la possibilité d’autres mesures, notamment l’imposition de taxes à l’exportation, de quotas ou d’interdictions sur des produits essentiels, ainsi que des mesures discriminatoires dans les marchés publics, tant au niveau fédéral qu’au niveau provincial ou de l’État.

2. Identifier les biens qui sont soumis à l’exception américaine relative à l’énergie et aux ressources énergétiques.

Le décret définit « l’énergie et les ressources énergétiques » comme comprenant le pétrole brut, le gaz naturel, les condensats de location, les liquides de gaz naturel, les produits pétroliers raffinés, l’uranium, le charbon, les biocarburants, la chaleur géothermique, l’hydroélectricité et les minéraux critiques. Les entreprises, en particulier dans le secteur de l’énergie, doivent se demander si les produits de leur chaîne d’approvisionnement relèvent de cette exception, ce qui signifie qu’ils seraient soumis à un taux de droits de douane nettement inférieur.

3. Identifier les marchandises soumises à la phase 1 des mesures de rétorsion du Canada.

Comme indiqué ci-dessus, la liste des biens soumis à la phase 1 des mesures de rétorsion est longue et comprend un large éventail de produits alimentaires, de produits de beauté, de produits pour la maison et d’autres biens de consommation. Les entreprises sont invitées à consulter la liste complète des biens soumis à la phase 1 (consultable sur le site du ministère des Finances du Canada ici) et à se demander si les biens de leurs chaînes d’approvisionnement sont concernés.

Pour déterminer si un produit particulier entre dans le champ d’application de la phase 1, il faudra procéder à une évaluation minutieuse du classement tarifaire du produit. Les entreprises doivent élaborer et/ou réviser leurs politiques internes en matière de classement tarifaire afin d’assurer une délimitation claire des marchandises entrant dans le champ d’application de la phase 1. En cas de doute, les entreprises doivent consulter leurs conseillers en douane.

4. Identifier les marchandises susceptibles d’être soumises à la phase 2 des mesures de rétorsion du Canada.

Bien que la liste complète des articles soumis à la phase 2 n’ait pas été publiée, le communiqué de presse annonçant les mesures de rétorsion indique que la phase 2 inclura probablement « les véhicules de tourisme et les camions, y compris les véhicules électriques, les produits en acier et en aluminium, certains fruits et légumes, les produits aérospatiaux, le bœuf, le porc, les produits laitiers, les camions et les autobus, les véhicules de loisirs et les bateaux de plaisance ». Les entreprises devraient vérifier si les produits de leurs chaînes d’approvisionnement sont susceptibles d’entrer dans ces catégories.

5. Examinez vos déclarations en douane et les principaux facteurs d’assujettissement aux droits de douane.

Si vous êtes importateur, examinez attentivement les éléments clés qui déterminent l’évaluation des droits de douane sur vos produits, notamment le classement tarifaire (qui pourrait être un facteur permettant de déterminer si votre produit entre dans le champ d’application d’un droit de douane américain ou d’une mesure de rétorsion) ainsi que la valeur en douane et l’origine des marchandises importées. Un examen minutieux et des ajustements légaux de ces éléments de vos déclarations de douane pourraient atténuer davantage l’exposition à la responsabilité tarifaire.

6. Déterminez si votre entreprise peut bénéficier d’un allègement tarifaire.

Comme indiqué ci-dessus, et comme décrit plus en détail dans notre alerte client du 3 février « Le Canada réagit aux tarifs américains - Ce que les entreprises doivent savoir », le gouvernement canadien examinera les demandes d’allégement tarifaire dans « des circonstances exceptionnelles et impérieuses qui, du point de vue de la politique publique, l’emportent sur la principale raison d’être de l’application du droit de douane ». Il peut s’agir de cas où les marchandises utilisées comme intrants ne peuvent pas être obtenues au niveau national, soit sur une base nationale ou régionale, ou raisonnablement à partir de sources non américaines, ou lorsqu’il existe des circonstances exceptionnelles qui pourraient avoir un impact négatif grave sur l’économie canadienne.

Pour demander cette exonération, les entreprises devront remplir un modèle comportant des questions spécifiques et détaillées sur l’entreprise, les biens concernés par les surtaxes, l’existence d’autres sources d’approvisionnement au Canada et l’utilisation de ces biens par l’entreprise qui fait la demande.

Bien que nous nous attendions à ce que ces remises ne soient accordées que dans les circonstances les plus exceptionnelles, les entreprises qui fournissent des biens essentiels doivent se demander si elles souhaitent demander une remise.

7. Envisager des options pour des installations d’assemblage à l’étranger.

Les entreprises dont les marchandises sont assemblées dans une juridiction qui n’est pas leur marché cible peuvent envisager de construire des installations d’assemblage dans leur marché cible, en particulier si les marchandises en question sont de grande valeur. Le fait d’assembler des marchandises sur le marché cible à partir de composants fabriqués ailleurs, plutôt que d’expédier des produits finis sur le marché cible après les avoir assemblés ailleurs, peut minimiser la valeur douanière des marchandises soumises à des droits de douane.

8. Examiner les dispositions contractuelles et chercher à négocier de manière proactive avec les partenaires commerciaux.

Les entreprises devraient revoir leurs accords contractuels avec partenaires commerciaux transfrontaliers afin de déterminer quelle partie contractante sera responsable des coûts supplémentaires engendrés par les tarifs douaniers. Cet aspect deviendra un élément de plus en plus important de la diligence raisonnable en matière de partenariat transfrontalier et devrait être pris en compte lors de la négociation de nouveaux contrats ou de la mise à jour de contrats antérieurs avec des partenaires commerciaux transfrontaliers. En particulier, les entreprises doivent s’assurer que leurs incoterms n’entraînent pas de responsabilité tarifaire par inadvertance.

Au cours des prochaines semaines, il pourrait être possible de négocier de manière proactive les conditions avec les partenaires commerciaux afin de garantir, le moment venu, la clarté et l’accord mutuel entre les parties quant à la manière dont les droits de douane seront traités.

9. Travailler avec des conseillers fiscaux et commerciaux.

Bien que les annonces de ces derniers jours aient apporté un peu de clarté, il s’agit toujours d’un ensemble complexe de questions. N’oubliez pas de consulter vos conseillers commerciaux et fiscaux sur les risques, ainsi que sur la meilleure façon de structurer votre chaîne d’approvisionnement afin de minimiser l’impact des droits de douane et des mesures de rétorsion.

10. Diversifiez votre base de négociation.

À plus long terme, réfléchissez à la manière de diversifier votre base commerciale pour y inclure des partenaires commerciaux dans des pays autres que les États-Unis. Vous devriez notamment examiner comment votre entreprise peut tirer parti des accords de commerce et d’investissement conclus par le Canada avec d’autres pays, tels que l’Accord global et progressif pour le partenariat transpacifique (CPTPP) ou l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne.

 

***

La situation est extrêmement fluide et nous nous attendons à ce que de nouvelles informations sur les droits de douane et les contre-mesures soient communiquées quotidiennement par le Canada et les États-Unis. Comme nous l’avons indiqué dans nos récentes alertes à la clientèle, les entreprises canadiennes peuvent prendre certaines mesures pour atténuer les dommages causés par ces droits de douane et toute mesure de rétorsion. Le groupe de droit du commerce international et de l’investissement de McCarthy Tétrault a conseillé, et continue de conseiller, un grand nombre de clients dans une variété d’industries sur la façon de naviguer dans l’incertitude causée par les tarifs américains et les contre-mesures canadiennes. Nous continuerons à suivre et à signaler tout nouveau développement dans ce domaine et nous nous attendons à ce que la prochaine alerte client fournisse plus de détails sur la façon dont ces mesures peuvent avoir un impact sur les chaînes d’approvisionnement et sur les stratégies qui pourraient être utilisées pour faire face à ces impacts.

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